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Les tests antidopage du baseball majeur ont probablement sauvé la vie du Québécois Emmanuel Garcia!

Traduction libre par Jacques Lanciault d’un texte d’Adam Rubin, journaliste au site Internet ESPNNewYork.com

Port St Lucie, Floride, le 21 mars 2011 – Au moment même où il est entré dans le bureau de Brian Chicklo, son entraîneur chez les Bisons de Buffalo, le club-école de calibre AAA des Mets de New York, Emmanuel Garcia avait le pressentiment qu’une fort mauvaise nouvelle l’attendait.

« Dans mon for intérieur, je me posais une foule de questions : qu'est-ce qui se passe? Suis-je libéré? Est-ce qu’un membre de ma famille vient de mourir? », nous raconte avec émotion Emmanuel Garcia, lui dont l’accent canadien-français est perceptible. « J’ai su tout de suite que quelque chose n'allait pas! »

Chicklo a alors remis à son joueur une lettre officielle des « Ligues majeures » informant la direction des Mets de New York que les résultats des tests antidopage effectués sur son joueur Emmanuel Garcia avaient donné des résultats positifs et que des niveaux élevés de « gonadotrophine chorionique » avait été détectés. Ce produit est du même type que les stéroïdes anabolisants qui sont utilisés illicitement pour relancer la production de testostérone dans le corps.

Le lendemain, le 3 juin 2010, alors que le phénomène Stephen Strasburg y allait de son dernier départ dans les ligues mineures devant une foule de 14 744 amateurs réunis à Buffalo, la suspension d’Emmanuel Garcia pour 50 matchs devait être annoncée… à moins que l’athlète n’interjette appel. Sans appel, sa culpabilité présumée serait alors affichée à l'échelle nationale sur tous les fils de presse, ceci affectant de façon irrémédiable sa réputation.

D’ailleurs, Manny Ramirez avait été suspendu pour la même raison l’année précédente.

Et Garcia, qui avait joué à l'arrêt-court pour l’équipe nationale du Canada lors des sept matchs des siens aux Jeux olympiques de Pékin avant d’être transformé en voltigeur par les Mets, avait bel et bien l'apparence d’un jour coupable! En fait, une journée avant que son entraîneur ne lui remettre la fameuse lettre, Garcia, comme tous ses coéquipiers des Bisons de Buffalo, avait grimpé sur le pèse-personne de l’équipe et pour la première fois de sa vie un chiffre supérieur à 200 s’était affiché! Même ses coéquipiers avaient remarqué une différence marquée dans l’aspect physique du joueur originaire de Montréal au Québec lorsqu’il s’était présenté au camp d'entraînement du printemps.

« Oui, je pesais 15 livres de plus, mais je pensais vraiment que cela était dû au fait que j’avais beaucoup mangé ces derniers temps », a mentionné Garcia.

Comment est-ce possible?
Alors âgé de 25 ans, Garcia ne voyait que deux explications possibles pour expliquer de tels résultats aux tests. Une première, tout à fait abracadabrante, était que quelqu'un avait peut-être « enrichi » sa boisson protéinée plusieurs fois par semaine.

L'autre explication possible a, quant à elle, été mise en lumière après la visite de Mark Rogow, le coordonnateur médical des Mets, qui s’était rendu sur place pour interroger Garcia sur ses antécédents médicaux, notamment au sujet d’un problème à l’aine.

« Avez-vous déjà subi une intervention chirurgicale à l’aine? », a demandé Rogow

« Oui, quand j'avais 7 ans, » a répondu Garcia.

Garcia a alors expliqué à Rogow qu’il avait subi une intervention chirurgicale pour traiter un testicule non descendu. « Ma famille avait alors été avisée par les médecins », d’ajouter le jeune homme, « qu’il demeurait un risque de quelque 20 pour cent pour qu’un cancer des testicules se développe un jour ». Rogow a alors commencé à penser qu’un tel cancer pouvait bien être la cause des résultats positifs au test antidopage.

Garcia avait beau clamer son innocence en disant à tout le monde, « Écoutez, si j'ai pris quelque chose, je vous le dirais maintenant et je servirais ma suspension de 50 matchs sans rechigner. Mais je n'ai rien pris », répétait-il à qui mieux mieux. « J’étais complètement bouleversé. Soit j’étais suspendu pour 50 matchs et ma réputation dans le baseball était à jamais ternie, soit je souffrais d’un cancer! »

Garcia ne sait pas si ses coéquipiers l'ont cru sur le coup. Il leur mentionnait à répétition qu’il n’avait pris aucun produit! « Pourquoi aurais-je fait cela? » Mais, plus il le répétait et plus il pensait au cancer.

« Il n’arrêtait pas de faire des recherches sur Internet pour comprendre ce qui se passait », se rappelle le joueur de champ intérieur des Mets Justin Turner, alors chambreur avec Garcia. « Je me sentais très mal pour lui et je me disais qu’il ne passerait pas au travers. Puis, il m’a dit “Je te le jure, je n'ai rien pris.” Je l’ai alors cru sur parole? »

Une sonnette d’alarme
En fin de compte, les médecins ont conclu que la lettre des ligues majeures avait joué le rôle de « sonnette d’alarme » permettant de découvrir la présence d'une tumeur cancéreuse. Le diagnostic a convaincu les Mets que Garcia n’avait vraiment rien fait de mal.

Le diagnostic a grandement ébranlé la direction des Mets de New York, eux qui quelques années plus tôt avait vu un de leurs employés de soutien, Sean Kimerling, qui travaillait à la radiodiffusion des matchs des Mets pour le compte de WPIX, mourir le 9 septembre 2003, justement d’un cancer des testicules. Il était âgé de 37 ans.

Les médecins estiment que la croissance cancéreuse s'était formée dans le testicule droit de Garcia environ un mois avant le test antidopage, ce qui signifie que l’anomalie a été détectée très tôt. Même après avoir appris son existence, Garcia n'a jamais pu localiser la tumeur au toucher.

L’athlète québécois a subi une intervention chirurgicale le 23 juin dernier à New York. On lui a enlevé le testicule droit. Il a été incapable de marcher confortablement durant les deux semaines qui ont suivi l’intervention. Puis, il s’est rendu chez lui, à Montréal, chez sa mère, Marie-Claude Garcia, ou il a pu récupérer en passant du bon temps avec son frère de 21 ans, Éric.

La mère de Garcia œuvre à Montréal à titre de conseillère en orientation. Elle est une ex-championne de tennis junior qui est arrivée au Canada, en provenance de France, deux ans avant la naissance du futur joueur de baseball. À l’âge de 20 ans, elle avait perdu sa mère d’un cancer du sein et avait élevé six frères et sœurs plus jeunes qu’elle, tandis que son père travaillait comme entrepreneur pour faire vivre la famille.

Lorsque son fils lui a annoncé, évidemment en français, la nouvelle de sa maladie, elle a été complètement abasourdie!

« Elle s'est mise à pleurer tout de suite », se remémore Emmanuel. « Même après mon retour à Montréal, je me souviens l’avoir entendu raconter mon histoire à l'une de ses tantes de France en pleurant. Elle avait tellement peur de me perdre. »

30 jours de radiothérapie… et la vie reprend son cours normal!
Puis, le 15 août dernier, Garcia a entrepris un programme de 30 jours de traitements quotidiens de radiothérapie, et ce, à Port St Lucie en Floride. Il n'a jamais ressenti la fatigue qui est censée accompagner ce type de traitement. Peut-être est-ce dû à son excellente condition physique et à sa relative jeunesse.

Considérant cela, il a demandé et obtenu l’autorisation des Mets de prendre part à l’exercice au bâton matinal des Mets de Port St Lucie à leur complexe situé tout près d’où il demeurait… et le mois a ainsi passé très rapidement!

La plupart des membres de l'organisation des Mets, tout comme tous les amateurs qui suivent la carrière du baseballeur montréalais n'avaient aucune idée de la raison qui faisait en sorte que Garcia n’était plus ni à Buffalo, ni à Binghamton, ni à St Lucie!

Garcia a finalement renoué avec la compétition dans la ligue d'hiver de Colombie alors qu’il a joint les rangs des Caimanes de Barranquilla, « une équipe qui est pour les Colombiens comme les Yankees pour les Américains », précise Garcia.

Emmanuel Garcia est maintenant de retour en Floride pour le camp d’entraînement printanier des Mets. Les résultats de ses tests médicaux révèlent qu’il n’y a plus de cancer depuis maintenant six mois.

Jeudi dernier, il a participé à un match des ligues mineures pour la première fois depuis le jour où il a reçu le terrible diagnostic. Il était frappeur de choix dans un match de classe AA de l’équipe des Mets, rencontre disputée à Jupiter face aux Marlins de la Floride. Ses coéquipiers, qui sont maintenant au courant du calvaire qu’il a vécu, l’ont pratiquement tous félicité pour son retour au jeu et le courage qu’il a démontré dans l’épreuve.

Pour les deux prochaines années, Garcia devra se soumettre à des tests tous les six mois afin de s'assurer que le cancer ne réapparaît pas. Après cette période, seules des analyses de sang une fois l’an suffiront.

Garcia affirme que le taux de récidive pour ce type de cancer est inférieur à 5 pour cent. L'âge moyen des hommes touchés par cette maladie des testicules est de 35 et c’est le type de cancer le plus fréquent chez les jeunes hommes.

Selon le docteur Leonard Gomella, directeur du département d'urologie de l'hôpital universitaire Thomas Jefferson de Philadelphie, de 8 000 à 10 000 hommes reçoivent des diagnostics de cancer des testicules chaque année aux États-Unis.

Lors de ses nombreuses discussions avec les médecins, Garcia a aussi appris que ses capacités d'avoir des enfants ne sont absolument pas affectées, ce qui à l’évidence lui plaît grandement.

« Le cancer des testicules est l'un des beaux exemples de réussite de la médecine dans la lutte contre le cancer », commente le docteur Gomella, lui qui a aidé à soigner l’analyste de ESPN John Kruk pour un cancer des testicules il y a 17 ans. Kruk a joué pour les Phillies de Philadelphie.

« Dans les années 1950 et au début des années 1960, le cancer des testicules tuait pourtant la majorité des hommes chez qui il était diagnostiqué. Au cours des 30 à 40 dernières années, nous avons appris à le traiter efficacement. Aujourd’hui, 95 pour cent des hommes survivent au cancer des testicules, et ce, peu importe le moment où il est diagnostiqué. »

« Bien sûr, tout le monde sait que Lance Armstrong était atteint de ce type de cancer, dans son cas un cancer des plus agressif. Aujourd’hui, le coureur cycliste est complètement guéri et il a même, après coup, participé à six ou sept “Tour de France”. »

Les hasards de la vie auront été bons pour lui
C’est en avril 2010 que Garcia a subi le test de dépistage aléatoire du baseball majeur qui a permis de découvrir sa maladie. Il venait alors d’être affecté avec l’équipe de classe A avancé des Mets, lui qui pourtant avait évolué en classe AA au cours des deux saisons précédentes. Et il l’avoue, il était très déçu.

« Si j'étais retourné à Binghamton, avec l’équipe AA des Mets, on n'aurait probablement jamais découvert ma maladie si tôt », se console Garcia. « Peut-être que les tests à Binghamton auraient été réalisés beaucoup plus tard en saison. Je me trouvais au bon endroit et au bon moment! C'est tout de même bizarre. Pour être honnête, le baseball m’a sauvé ma vie. Je peux le dire, parce qu’aujourd’hui je ne ressens plus rien. Le test antidopage a vraiment été une chance pour moi. »

Le docteur Gary Green, qui est directeur médical pour les Ligues majeures de baseball et professeur clinique à UCLA, estime qu’il y a eu moins de dix tests positifs pour la « gonadotrophine chorionique » dans les ligues majeures et mineures dans les dernières années, et ce, malgré « des milliers et des milliers de tests » cherchant à détecter la présence de produit visant à améliorer la performance chez les joueurs de baseball.

Bien que n'étant pas autorisé à parler des résultats avec les joueurs, le médecin précise que « peut-être un ou deux » de ces tests positifs ont conduit à la découverte d’un cancer des testicules, un sous-produit positif très peu fréquent d'un processus visant avant tout à démasquer les tricheurs.

« Je sais que chez certaines autres équipes de dépistage des drogues, celles oeuvrant notamment pour les Jeux olympiques ou dans d’autres sports ont elles aussi vécu des cas semblables à celui d’Emmanuel Garcia », de faire remarquer le docteur Green. « C'est pourquoi qu’à chacune des occasions où les tests sont positifs, nous recommandons aux organisations responsables des athlètes qu'ils obtiennent un bilan médical complet. C’est un domaine complexe, car effectivement des gens prennent certains produits pour tricher. »

« J'ai été impliqué dans le dépistage des drogues au cours des 20 dernières années » de noter Green. « Cet exercice est souvent présenté sous un jour négatif amenant toutes sortes d’accusations quant à la qualité des résultats. Il est agréable de voir qu’un test de dépistage a eu un résultat positif. »

La semaine dernière, Garcia a attendu une trentaine de minutes dans le bureau de son urologue, le docteur John Nehme, pour savoir si ses derniers tests démontraient qu’il avait passé avec succès le cap des six mois sans cancer. Trente longues minutes pour le jeune homme!

« J’étais très nerveux », d’avouer Garcia, « car, si on décelait encore la présence du cancer, l'étape suivante était la chimiothérapie, ce qui impliquait évidemment la fin de ma carrière au baseball. C’était donc un test des plus importants ! »

« Lorsque le médecin m’a souri, j’ai tout de suite compris. »

« Ce cancer ne m’a pris que 10 mois de ma vie », d’ajouter Garcia. « Je l'ai appris en juin de l'année dernière et deux semaines plus tard, j’étais opéré. Cette petite bosse a pourtant changé mon approche de la vie. Aujourd’hui, je sais que la vie peut être courte. Je ne tiens plus rien pour acquis. Je suis vraiment reconnaissant de pouvoir continuer à vivre. Lors de mon premier match jeudi dernier, j'ai joué comme si cette partie pouvait être la dernière de mon existence! »
 


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